Le sourire de Marion

Publié le 24 Novembre 2015

Le sourire en politique est le symptôme démocratique par essence. Quand la politique était autre chose que du spectacle et de la communication, les hommes politiques ne souriaient pas, ou peu. En public, la mise était plutôt au ton grave, à la pose hiératique, voire à l'air maussade. Il paraît que Mussolini s’entraînait à s'habiller, justement, de cette mine maussade, pour ressembler à Napoléon. De Gaulle l'avait, lui, naturellement. On n'imagine pas le Général sourire bêtement en public, encore moins les Césars ni les Rois poser pour la statuaire en montrant toutes leurs dents. La politique n'était pas une pose, c'était des volontés. Et la volonté, pure, dure, fait souvent la gueule. Le sourire vient directement des États-Unis, qui ont expérimenté avant tout le monde la démocratie généralisée et les hommes politiques pantins et inutiles. Ils sont à l'origine du poncif « sourire white » que l'on attribue assez généralement à l'hypocrisie. Il est pourtant passé dans l'habitude politique actuelle, et quoiqu'on en pense, même lorsqu'on le juge faux, il est désormais nécessaire. Un homme politique au visage fermé, en campagne ou sur des affiches, ne serait pas « sympathique ». Et en démocratie, c'est un critère. Il faut être sympa, et tant pis si on est nul. Je tiens que l'apparition du sourire en politique est la marque démocratique par excellence, en même temps qu'il est le critère le plus sûre de la décadence du politique.

 

Passée cette remarque, les sourires politiques sont différents, et intéressants à analyser. Puisque c'est une arme démocratique, certaines sont plus puissantes que d'autres.

 

Marion Maréchal, entre tous et entre toutes, a le sourire le plus puissant. Pas seulement parce que c'est une jolie femme. C'est, je crois, ce qui explique en grande partie les succès qu'elle obtient et qui lui sont promis. Avant de vous dire pourquoi, attardons sur quelques sourires politiciens assez classiques :

 

D'abord, ceux de notre ancien et présent Présidents de la République.

 

Sarkozy

Sarkozy

Sarkozy : Mélange entre un sourire Louis de Funès, impliquant ruse ; suggérant humour, subtilité, sympathique, mais également grotesque, ridicule, bêta.  

Sarkozy

Sarkozy

Mais il y a aussi un autre type de sourire pour Sarkozy, plus souverain, se voulant affectueux, mais trahissant confiance et affirmation de soi. Certaine condescendance aussi.

 

D'une manière générale, le sourire de Sarkozy est une arme puissante, qu'il maîtrise assez bien grâce aux nuances avec lesquels il sait jouer.

Hollande

Hollande

Hollande : Au delà des côtés grotesques et idiots, que beaucoup de gens relèvent, il y a aussi chez Hollande, dans son sourire associé à son regard, une sorte de détachement du sujet. Hollande pense derrière ses petites lunettes quand il sourie. Ça se voit, et les gens considèrent naturellement que, si Hollande continue de penser en souriant, il pense nécessairement à eux. L' « émotion » du sourire chez Hollande, loin d'être spontanée, ne fait donc pourtant pas de lui un sourire froid, au contraire : il suggère de l'affection.

 

Les sourires de Confiance

Exemple : Estrosi

Exemple : Estrosi

Sourire de confiance, visage carré, se veut rassurant, chiraquien, convenu. Ne marche plus que sur les petites vieilles, années 90, passé de date. Faux, caricatural pour les plus jeunes, douchés par la politique. C'est le sourire le plus souvent usité par les barons de province, habitués qu'ils sont à caresser dans le sens du poils les petites gens, pour mieux se moquer d'eux en privé.  

 

Les sourires carnassiers

Exemple : Taubira

Exemple : Taubira

ou Marine Le Pen (qui a d'autres gammes de sourires dans le privé, mais vu qu'elle n'a pas de conseillers en communication, elle offre le plus souvent sur les plateaux et en réunions publiques un sourire dit « carnassier »). Sourire avec les dents, guerrière. Le sourire de celui qui est prêt à réussir, qui se satisfait, mais comme une revanche. Il entraîne, car il est volontaire, mais il inquiète aussi, car on y sent de la vindicte. Il dissimule un être en soi qui s'inquiète et qui a souffert, mais qui se pose comme une affirmation conquérante, pour pallier.  

 

Sourires fines lèvres, bouche fermée

Exemple : Fabius

Exemple : Fabius

Ce sourire reste bouche fermée, comme s'il fallait empêcher qu'un peu de soi-même en sorte. Souvent le cas des anciens premiers de la classe, anciens complexés. Profil de Bruno Le Maire, Florian Philippot, etc. Très mauvais en communication car fait faux par nature. Retenu. Joué. L'absence de spontanéité est tout aussi forte dans les sourires dits « de confiance », mais parce que ceux là sont forts, on les croit volontiers plus justes. Le sourire bouche fermée fait intelligent, mais fourbe.

 

Le sourire d'espoir.

 

Marion

 

Il y a quelque chose de l'ordre de l'espoir dans le sourire de Marion. Autant que je sache, c'est le seul sourire calibré de la sorte dans le paysage politique français. Dans une France qui est saturée de sourire de confiance qui n'inspirent plus confiance, ou de sourires technos bouches fermées, ce sourire là fait croire. Il peut sans doute pêcher dans la confiance et dans l'expérience qu'il inspire, mais il fait croire et espérer, de manière irrationnelle. Il y a du frais, il incarne un « demain » possible. D'une manière générale, il a les caractéristiques du sourire de la jeunesse dans son archétype. Or, si Marion le possède, ce n'est pas obligatoirement parce qu'elle est jeune : en effet, les jeunes en politique sont nombreux et la plupart adoptent déjà des sourires convenus qu'ils essaient d'emprunter à leurs aînés. On « croit » qu'il est possible qu'il y ait un avenir avec elle, car la vie, dans sa juvénile naïveté, transpire de sa bouche. Par nature, la jeunesse a un avenir, quand le reste est promis à la mort. Marion a su, sans doute instinctivement, matérialiser cette jeunesse, cette fraîcheur – et donc, cette espoir – dans un sourire. Accolé à un discours sur la France, dans un pays qui n'entend plus parler que de mort et qui la ressent si violemment, ce sourire fait encore croire en un possible. Si la politique, c'est avant tout de créer de l'espoir, alors ce sourire est imparable. Et sur tout le monde.   

Le sourire de Marion

Publié dans #article-s

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
N
Effectivement Julien le sourire est un éléments important (comme les gestuels) dans l’analyse d'une personne et plus particulièrement chez les politiciens !
Répondre
S
Et le sourire du poseur ? Le sourire de celui qui sait qu'il charmera aisément son auditoire ? De ces sourires qui font indéniablement de l'effet aux femmes (et/ou aux hommes) et qui en joue. Qui savent se faire rare pour se faire désirer... un sourire à la Rochdy par exemple ?
Répondre
J
Très intéressant (Muray avait fait un article sur le "sourire de Ségolène" — ou quelque chose comme ça). Le sourire obligatoire n'est pas l'apanage des politiques : aux États-Unis, et c'est particulièrement marqué (et laid) chez les femmes, le sourire va jusqu'au rictus qui déforme le visage, dans une mimique quasi hystérique. Les politiques n'en sont pas encore là. Y viendront-ils ?<br /> Et où situer le sourire rochedyen dans ce nuancier ?
Répondre
J
Très intéressant (Muray avait fait un article sur le "sourire de Ségolène" — ou quelque chose comme ça). Le sourire obligatoire n'est pas l'apanage des politiques : aux États-Unis, et c'est particulièrement marqué (et laid) chez les femmes, le sourire va jusqu'au rictus qui déforme le visage, dans une mimique quasi hystérique. Les politiques n'en sont pas encore là. Y viendront-ils ?<br /> Et où situer le sourire rochedyen dans ce nuancier ?
Répondre
V
Il y a aussi le sourire de "ravie" de El Khommry....