Chronique du livre de Laurent Ruquier "Histoire de la Résistance, de Jean Moulin à Clémentine Célarié" par Libération

Publié le 19 Mars 2017

Chronique du livre de Laurent Ruquier "Histoire de la Résistance, de Jean Moulin à Clémentine Célarié" par Libération

-PASTICHE-

Article dans Libération, en date du 4 septembre 2017.  

Chronique du livre : 

Histoire de la Résistance : de Jean Moulin à Clémentine Célarié. Par Laurent Ruquier (Editions Grasset, 2017).

 

Laurent Ruquier n’est pas un écrivain. « Ecrire, ce n’est pas naturel chez moi, je suis vraiment un enfant de la télé, de l’audiovisuel » nous répète-t-il lorsqu’il nous reçoit dans son loft du 4eme arrondissement. « Mais certaines circonstances vous y poussent : j’ai dû trouver cette force ». Cette force, l’animateur le plus populaire de France l’a puisée dans ce qui constitue le fondement de sa philosophie, dans son sentiment le plus profond, le plus ancré, « le plus ardent » nous dit-il : la lutte pour la tolérance. C’est le samedi 18 mars, alors que son émission « On n’est pas couché » continue de régaler les Français de son si délicieux ton caustique, mêlé d’impertinence et d’analyses souvent très justes, que Laurent Ruquier prend le désir d’écrire, afin « d’aider les nouvelles génération à comprendre ». Ce soir là, l’émission est obligée de recevoir Florian Philippot à cause des règles du CSA (dont la légitimité est sujette à caution…). Laurent Ruquier et ses chroniqueurs jouent le jeu du système électoral, dont on sait pourtant, depuis une certaine élection en Allemagne dans les années 30, que celui-ci peut conduire au pire. « Alors que nous nous attendions à une émission sordide et nauséabonde, quelque chose est arrivée d’extraordinaire. Ca m’a changé. ». En effet, tandis que Monsieur Philippot, passé maître dans la manipulation et la dissimulation, comme chacun sait, commence par saluer tous les participants, ceux-ci, déboussolés et pris de court, tendent leur main au doctrinaire d’extrême-droite. « Florian Philippot cherche à serrer la main à tout le monde sur un plateau » analyse Dominique Albertini, spécialiste du FN, « c’est une technique qu’on apprend dans les écoles d’extrême-droite : dire « bonjour » n’est pas innocent. Par ce biais, il compromet son interlocuteur. Il extermine, d’une certaine façon, sa capacité à répondre dans le débat qui va suivre ». Laurent Ruquier a beaucoup réfléchi, depuis, à ce moment crucial de l’émission : « Ce qu’on s’aperçoit en fait, c’est que spontanément, beaucoup de gens sont susceptibles de tomber dans l’horreur du fascisme, pas parce qu’ils sont naturellement odieux, simplement parce qu’ils ne font pas attention ». Il nous confie alors, dans un râle, qu’il n’a pas beaucoup dormi cette nuit là, hanté par cette poignée de main qui ne pouvait que rappeler l’entrevue de Montoire. Mais pourtant, ce soir là, un éclair dans la nuit a illuminé le plateau, prouvant que l’être humain n’est pas condamné à l’horreur. Quand Laurent Ruquier nous raconte à nouveau la scène, c’est dans un émotion qu’il peine à dissimuler : « ce personnage multipliait les serrages de mains, nous étions abasourdis, tétanisés, mais lorsqu’il s’approcha de l’immense actrice qu’est Clémentine Célarié, tendant sa main comme on tend un bras, celle-ci ouvrit légèrement ses bras en signe de protestations, baissa les yeux, et refusa ce qui, a posteriori, s’apparente à de la collaboration. ». Reconnaissons que dans la télévision d’aujourd’hui, celle des Zemmour, des Elisabeth Lévy et des Jean-Pierre Pernot, des grands moments comme celui-ci sont rares. C’est ce souffle qui a donné le désir et la force à Laurent Ruquier d’écrire cette fabuleuse et monumentale « Histoire de la Résistance, de Jean Moulin à Clémentine Célarié » (éditions Grasset, 264pages, 2017). On regrettera peut-être, dans cette histoire pourtant d’intérêt public, que l’auteur passe si rapidement sur Jean Moulin et sur le Général De Gaulle pour en arriver à Benjamin Biolay et Clémentine Célarié (respectivement un chapitre sur Jean Moulin pour quatre sur Clémentine Célarié, plus la conclusion). Cependant, passé ce choix éditorial, force est de constater que l’œuvre de l’écrivain est maîtrisée de bout en bout, nous rappelant à chaque page ô combien est importante la résistance de tous les jours contre la bête immonde. « Je voulais faire partager aux jeunes générations la seule histoire qui fasse honneur à la France, celle de la lutte contre le fascisme, l’obscurantisme, le mal absolu. Par son geste, Clémentine Célarié a renoué avec cette grande Histoire, il ne faudra jamais oublier. ». Réussie, l’œuvre de l’animateur le poussera-t-il à continuer d’écrire ? « Je ne sais pas », répond l’intéressé, « un projet d’adaptation en film est en discussion… Ca me plairait de me lancer dans le cinéma, avec Clémentine Célarié dans son propre rôle. ». Enthousiaste, il continue : « La jeunesse a besoin d’exemples comme ça, car ce qu’il se passe est grave ». Comment lui donner tort ?

 

Laurent Joffrin

 

Le moment héroïque en question

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